Le problème de la myopie de presque tout acheteur avant de passer à l’acte est un problème bien étudié et largement développé par certains auteurs. Nous prendrons ici principalement référence chez William Nordhaus, Prix Nobel d’économie 2018 pour ses travaux sur le changement climatique, mais ce n’est ni le premier, ni le dernier à s’être penché sur la question.
Le principe est le suivant : quand l’acheteur lambda a le choix entre acheter une voiture à 10 000 € et qui consommera 1000€ de carburant par an, ou acheter une voiture très similaire à 12 000 € et qui consommera 600€ de carburant par an, peu importe que le vendeur (et la logique) démontre que le surinvestissement sera compensé en 5 ans, l’acheteur choisira presque toujours la première voiture.
Pourquoi ?
Les raisons sont multiples, mais l’argument principal développé par William Nordhaus est que l’acheteur tient compte du taux d’actualisation dont le principe est que les 400€ que le carburant coûtera en plus de 5 ans auront une valeur moins élevée que 400€ d’aujourd’hui. Et selon le taux d’actualisation, le résultat peut changer sensiblement. L’acheteur anticipe également une amélioration de ses revenus, qui lui fait penser que le surcoût pour plus tard lui sera moins douloureux que le surcoût immédiat.
Et il y a aussi bien sûr le raisonnement selon lequel le budget de fonctionnement, c’est pour plus tard, et donc sera le problème de l’élu ou de l’équipe dirigeante suivante (et contrairement à ce qui est souvent prétendu, ce raisonnement se trouve certes beaucoup dans le public, mais aussi dans le privé !) ;
Nous savons bien évidemment que dans notre exemple, il n’en sera rien. Les taux d’inflation dans tout pays occidental sont faibles, et les taux d’intérêts négatifs constatés sur le marché bancaire inciteraient même au raisonnement exactement contraire. Mais le fait est que l’acheteur « sur-actualise » le surcoût futur, et donc sera fort tenté de prendre un arbitrage qui n’est en théorie que fort peu rationnel.
Alors quel est le rôle du programmiste ?
Le devoir de conseil impose à minima d’argumenter sur l’opportunité économique. Pour notre part, nous établissons couramment des plans d’amortissement en plusieurs versions avec des taux d’actualisation différents permettant de faire prendre conscience, si besoin en est, de la réalité des chiffres dans des projections crédibles.
Et pourtant, force est de constater que cela reste peu efficace. Les arguments contraires échappent à la rationalité économique. Et bien davantage encore à la conscience environnementale qui serait d’investir un peu plus pour réaliser une économie en coût carbone.
Jusqu’où le programmiste doit-il aller ? Nous vous proposons d’ouvrir le débat.